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Transmission

Comment transmettre un bien à deux bénéficiaires successifs ?

Un arrêt récent de la Cour de cassation (1ère chambre civile, 14 avril 2021, pourvoi n° 19-21.290) nous permet de rappeler la différence entre un legs graduel et un legs résiduel. Ne vous méprenez pas et ne faîtes pas comme ce notaire qui a confondu l’un et l’autre, et de ce fait a été condamné à des dommages-intérêts envers le fils héritier.

Le mari « bien aimé »  revend la maison qu’il devait transmettre à son fils

En 2010, une mère de famille décède en léguant tout ce qu’elle possède  « à son époux bien-aimé Monsieur B.  A la mort de celui-ci tout reviendra à mon fils M., mais pas du vivant de son père. Aucun autre héritier ne pourra justifier de quoi que ce soit ».

Le 5 novembre 2010, P, notaire, a établi un acte de partage en considérant que ce testament instituait Monsieur B. légataire à titre particulier des biens et droits immobiliers visés dans le testament, notamment, de la pleine propriété de sa maison. Après s’être remarié, Monsieur B. a, le 13 septembre 2013, vendu cette maison à sa nouvelle épouse.
Soutenant que son père avait bénéficié d’un legs graduel de la maison et non d’un legs résiduel, et qu’en conséquence, l’acte de partage était affecté d’une erreur résultant d’une mauvaise interprétation de cette libéralité, le fils  a assigné son père et le notaire afin d’obtenir la nullité de cet acte et la condamnation du notaire à réparer le préjudice causé par le manquement à son devoir de conseil.
Le 21 juin 2019, la Cour d’appel de Colmar condamne le notaire à verser des dommages et intérêts  au fils, la Cour de cassation casse partiellement cette décision car le notaire avait fait valoir que le préjudice entraîné par son erreur d’interprétation du testament est moins important que la somme accordée par les magistrats de Colmar compte tenu du fait que le fils qui n’a pas pu hériter de la maison de sa mère a économisé des droits de succession en ne payant, bien entendu, aucun droit de succession sur cette maison.

Le père avait vendu pour 120 000 € à sa nouvelle épouse la maison de sa précédente épouse décédée, maison que celle-ci voulait transmettre à son fils après en avoir fait profiter « son époux bien aimé » (SIC). Le notaire comprend mal le testament et au lieu de le traiter comme un legs graduel, il estime que le mari doit recevoir la succession y compris cette maison. Le fils attaque le notaire qui se défend en prétextant que son erreur lui a certes fait perdre la maison, mais, en contrepartie, lui a fait économiser plus de 15 000 € de droits de succession.

La différence entre un legs graduel et un legs résiduel

Le legs graduel est prévu par l’article 1048 du Code civil qui le définit ainsi : « Une libéralité peut être grevée d’une charge comportant l’obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l’acte. »

Autrement dit, le premier bénéficiaire doit conserver le bien, puis le transmettre à la personne désignée comme second bénéficiaire.

Le legs résiduel, quant à lui, est défini par l’article 1057 du Code Civil :

« Il peut être prévu dans une libéralité qu’une personne sera appelée à recueillir ce qui subsistera du don ou legs fait à un premier gratifié à la mort de celui-ci. »

L’article 1058 du code civil précise : «  La libéralité résiduelle n’oblige pas le premier gratifié à conserver les biens reçus. Elle l’oblige à transmettre les biens subsistants.

Lorsque les biens, objets de la libéralité résiduelle, ont été aliénés par le premier gratifié, les droits du second bénéficiaire ne se reportent ni sur le produit de ces aliénations ni sur les nouveaux biens acquis. »

Dans le cas d’un legs résiduel, le premier bénéficiaire peut librement disposer des biens reçus. S’il reste un reliquat ou des biens, le second bénéficiaire les reçoit, mais il n’a aucune action envers le premier bénéficiaire qui a dilapidé le bien ou l’a vendu, le second bénéficiaire ne peut prétendre récupérer la totalité ou une partie du prix de vente.

  • Donation = transmission du vivant
  • Legs = transmission après décès
  • Légataire = bénéficiaire d’un legs
  • Donataire = bénéficiaire d’une donation
  • Légateur = personne qui fait un legs
  • Donateur  = personne qui fait une donation

L’avis de LINXEA

Qu’en aurait-il été si  la valeur de la maison avait été placée en assurance-vie laquelle bénéficie d’une exonération de droits de succession à hauteur de 152 500 € par bénéficiaire ?

Le notaire n’aurait pas pu prétendre que le fils aurait économisé des droits de succession, puisqu’il n’en aurait pas eu à payer.

Des conflits apparaissent souvent entre bénéficiaires de legs graduels ou résiduels, bien que leur portée ne soit pas la même comme nous l’avons décrit ci-dessus.

Sachez aussi que pour une transmission du vivant de celui qui donne, il existe une possibilité de donation graduelle ou de donation résiduelle avec les mêmes obligations et les mêmes différences que pour les legs.

Ces catégories de donations et de legs peuvent être intéressantes lorsqu’elles sont bien utilisées et bien comprises par tous les intervenants.

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