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Argent

Transmettre aux assureurs la provision (PPB) des assurés permettra-t-elle de sauver les fonds en euros ?

Si les fonds en euros ont fait la fortune des assureurs français et apporté la tranquillité aux assurés pendant une quarantaine d’années, le paysage financier et économique ayant changé, les fonds en euros aujourd’hui sont la « bête noire » des assureurs qui font le maximum pour dissuader les assurés d’y placer la totalité de leur épargne.

La récente appropriation par les assureurs de la provision pour participation aux bénéfices (PPB) des assurés permettra-t-elle aux assureurs d’améliorer leur marge de solvabilité, de sauver les fonds en euros et de maintenir leur rendement ?

Les taux négatifs pèsent sur la solvabilité des assureurs

« Avec plus de 70 % de ses actifs placés sur les marchés obligataires, l’assurance-vie française subit de plein fouet l’impact des taux bas, allant jusqu’à remettre en cause l’ensemble de son business model. » (Article intitulé « L’assurance-vie au défi des taux bas » publié dans Le magazine professionnel de l’actuariat n°18).
Depuis la rédaction de cet article les taux ont encore baissé.

Depuis plus de 7 mois le taux de rendement de l’OAT 10 ans (l’obligation de l’état français) est négatif. Autrement dit, quand un assureur investit sur cette OAT, il fait perdre de l’argent à lui même et à ses assurés.

Comme chacun le sait, les assureurs doivent respecter des normes imposées par la directive européenne dite « solvabilité II » et notamment le respect d’une marge de solvabilité calculée selon le taux de couverture du capital de solvabilité requis (CSR).

Or « Solvabilité II n’a pas été pensé pour intégrer des taux négatifs », rappelle Maxime Letribot, associé chez Eurogroup Consulting.

Quant à l’analyse réalisée par l’ACPR (Analyses et synthèses n°109 : La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2019), elle constate la difficulté des assureurs français à respecter la marge de solvabilité :

« Le premier semestre 2019, et plus particulièrement le deuxième trimestre, a connu une nouvelle baisse prononcée des taux d’intérêt, faisant passer pour la première fois le taux de l’obligation OAT 10 ans en territoire négatif. Ce contexte macroéconomique inédit a des conséquences directes pour les assureurs du marché français, qui ont vu leur taux de couverture du capital de solvabilité requis (CSR) baisser au cours de la période. …./ …. Par ailleurs, le dynamisme et l’orientation en 2019 des flux d’assurance-vie vers les fonds euros contribuent à la dilution des rendements de l’actif. Pour autant, la structure des placements des assureurs ne montre pas de déformation au profit d’actifs plus rémunérateurs mais davantage risqués.  (NDLR : les assureurs ne tirent guère de gains des autres actifs financiers) …/….

Le taux moyen de couverture du capital de solvabilité requis (CSR) des assureurs opérant sur le marché français est passé de 240 % à 225 %, entre fin 2018 et fin juin 2019, soit une diminution de 15 points de pourcentage sur la période. Cette diminution est plus marquée pour les organismes vie et mixtes, plus sensibles au contexte de taux bas, dont la solvabilité diminue de 20 points de pourcentage pour s’établir à 205 % au deuxième trimestre 2019 …/ ….

Dans l’environnement de taux bas, l’ampleur de la collecte nette en fonds euros vient accentuer la problématique de placements de ces fonds sur des produits obligataires moins rémunérateurs, voire à rendements négatifs ».

La solvabilité est appréciée différemment selon les pays européens

En Europe, chaque pays est assujetti à des normes européennes (notamment la directive « solvabilité 2 »), mais chaque autorité nationale de contrôle des assureurs en interprète les règles à sa manière.

En France, les assureurs français sont surveillés par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en abrégé ACPR.

En Allemagne, cette autorité fédérale de supervision financière s’appelle Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht et en abrégé la BaFin. En Belgique, cette autorité se nomme l’Autorité des services et marchés financiers, elle est plus souvent désignée par son nom anglais : Financial Services and Markets Authority, (en abrégé : FSMA). En Espagne, cette autorité prend le nom de Comision Nacional del Mercado de Valores (en abrégé : CNMV).

La rigueur de l’ACPR pèse sur les assureurs français

C’est ainsi que les assureurs français comparés aux assureurs étrangers, sont moins bien lotis.

Or si l’interprétation française des règles de solvabilité est défavorable aux assureurs français (par comparaison à l’interprétation des règles de solvabilité par les autorités de tutelle des autres pays européens), par ricochets, cette interprétation est aussi plus défavorable aux assurés français. Le seul avantage des assurés français, c’est que la rigueur de l’autorité de tutelle française leur garantit une plus grande solvabilité des assureurs français que celle des autres assureurs européens.

« Le risque de taux d’intérêt (SCR) Il est calculé en effectuant des « stress-test » sur la courbe des taux fournie par le régulateur. Ce phénomène a pour but de choquer les obligations détenues ainsi que le passif évalué en Best Estimate. L’exigence en capital pour couvrir le risque de taux correspond alors à la perte de Fonds Propres qui résulterait d’une hausse ou d’une baisse des taux d’intérêts sans risques. » (Anthony Levy, master actuariat de Dauphine).

Les taux négatifs ont réduit la solvabilité à tel point que tous les assureurs se posent la question suivante : « Comment continuer de verser des rendements positifs dans les contrats d’assurance-vie ? »

Une solution a été trouvée fin 2019.

Les assureurs sont heureux depuis qu’ils ont eu leur cadeau de Noël : un arrêté du 24 décembre 2019 relatif aux fonds excédentaires en assurance vie (publié le 28 décembre 2019).

Il permet aux assureurs de tenir compte des provisions pour participation aux bénéfices (PPB).

Jusqu’alors cette PPB n’était pas comptabilisée au profit des assureurs et elle devait seulement être reversée aux assurés dans un délai (glissant) de 8 ans

Améliorer la solvabilité des assureurs

Cet arrêté du 24 décembre 2019 a été inséré dans le code des assurances en y ajoutant un article A. 132-16-1 ainsi rédigé : « Art. A. 132-16-1. Par dérogation aux affectations prévues au premier alinéa de l’article A. 132-16 et dans des situations exceptionnelles, la provision pour participation aux bénéfices peut être reprise après autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. …. ».

Intégration de la PPB dans la comptabilité des assureurs

La provision pour participation aux bénéfices (PPB) appartient toujours aux assurés, mais les assureurs ont désormais le droit de la comptabiliser dans leurs fonds propres.

Autrement dit, les assurés ont financé la PPB, un véritable trésor de guerre qui aujourd’hui peut servir de garantie aux assureurs français et leur permettre désormais d’afficher un meilleur ratio de solvabilité.

Selon Good Value for Money « La disposition permet au secteur d’améliorer en moyenne de 53 % la couverture de sa marge de solvabilité, celle-ci passant en moyenne de 206 % à 259 % (données pro forma fin 2018).

Rendez l’argent aux assurés !

Les assurés espèrent qu’en contrepartie de ce « cadeau » les assureurs français feront tout pour maintenir des rendements satisfaisants sur les fonds en euros.

 

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