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Verrou accès fonds euros

Les assureurs ont-ils le droit de verrouiller l’accès aux fonds en euros ?

Les assurés qui souhaitent placer leur épargne sur les fonds en euros sont déçus du comportement des assureurs qui les dissuadent de retenir ces fonds sécuritaires et leur imposent de souscrire entre 30 et 50 % d’unités de compte (UC) pouvant présenter des risques d’évolution à la hausse ou à la baisse.

Attirés par la sécurité des fonds en euros, les assurés averses aux risques financiers doivent, pour pouvoir placer une partie de leur épargne sans risque, respecter des conditions draconiennes d’accès – parfois l’obligation de verser entre 30 à 50% sur des UC.

L’association de défense des consommateurs CLCV dénonce ces assureurs qui imposent « aux clients de souscrire des unités de compte pour accéder au fonds en euros. Cette position est contraire au devoir de conseil, les mix-espérance de gain / coût étant très défavorable pour les épargnants sur les unités de compte ». (Observatoire de l’assurance vie édition 2019 publiée le 10 décembre 2019).

Mais la mariée était trop belle …

Pendant de très nombreuses années un épargnant prudent qui recherchait un investissement sans risque disposait d’une solution miraculeuse : les fonds en euros des contrats d’assurance-vie. En outre, cet épargnant n’avait absolument rien à faire et il pouvait disposer, à tout moment, de son épargne, sans aucun souci et en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse.

L’origine du fonds en euros : la pratique des assureurs

Il y a plus de 40 ans lorsque les premiers contrats d’assurance-vie modernes ont été lancés, ces contrats proposaient uniquement aux assurés d’investir leur épargne dans l’actif général.

Cet actif général permettait à l’assureur de gérer les primes collectées en dégageant un rendement qui, à la fois, permettait à cet assureur de se rémunérer et de rémunérer ses actionnaires et qui lui servait à rétribuer l’épargne déposée par les assurés.

Petit à petit cet actif général a pris le nom de fonds en francs, puis ensuite de fonds en euros, les assureurs appliquant peu à peu une gestion spécifique à cet actif qui est devenu souvent indépendant de l’actif général de l’assureur. Cet actif financier regroupant les primes d’un même contrat et rétribuant ainsi un groupe d’assurés déterminés est devenu un actif cantonné et dédié à ces assurés. Parallèlement, d’autres assureurs ont continué à gérer un actif général.

De nombreux articles du code des assurances sont venus encadrer la gestion des fonds en euros. Les règles de solvabilité européennes se sont également imposées à ces différents actifs, qu’il s’agisse d’un actif cantonné ou d’un actif général.

« Suite à la souscription du contrat, sauf indication contraire dans les conditions générales du contrat, l’épargne de l’assuré est investie sur un fonds commun à tous les adhérents, ce qui provoque une mutualisation des performances des actifs entre les assurés… ». (Extraits de la page 9 du mémoire ENSEA présenté en février 2013 par Florian Piolain et Pierre Anquetil).

Le fonds en euros : la bonne idée des assureurs

Les assureurs ont séduit les épargnants avec les fonds en euros qui présentent les atouts suivants :

  • Une gestion déléguée à l’assureur (mais qui a un coût pour l’assureur) :

Tant que les emprunts d’états européens assuraient 70 à 85% du rendement du fonds en euros, il suffisait à l’assureur d’avoir une petite équipe de gestion qui achetait des emprunts d’états afin de distribuer aux assurés un taux satisfaisant.

Mais depuis quelques années à cause de la forte baisse du rendement de ces emprunts (et pour certains d’un rendement devenu négatif), les choses se compliquent pour les équipes de gestion des assureurs qui doivent s’étoffer de spécialistes actions, immobilier, et autres produits afin de pouvoir compenser la baisse de rentabilité des dettes d’états.

  • La sécurité du capital :

Les fonds en euros apportent une garantie de l’investissement effectué, qui ne peut pas varier à la baisse, que ce soit en cas de chute boursière ou de hausse ou de baisse des taux obligataires. Il doit délivrer un rendement d’au moins 0%.

L’assureur est prisonnier de la sécurité et de l’effet cliquet qu’il donne aux assurés.

Prenons l’exemple d’un actif d’assureur qui contiendrait 20 % d’actions françaises ou européennes. Si cet assureur avait gagné + 26% l’année dernière sur son portefeuille d’actions (comme le gain du CAC 40 en 2019), grosso modo, il aurait ajouté 5,2 % (20% X 26%) de gain brut à sa gestion 2019.

Mais, supposons, qu’en 2018, le portefeuille de cet assureur ait perdu 14 % (soit la baisse 2018 de l’indice Eurostoxx 50), il aurait alors amputé de 2,8 % (20% X 14%) le résultat de sa gestion 2018. Or pour peu que le rendement du portefeuille obligataire 2018 de cet assureur ait été de 2,5 % brut, son portefeuille d’actions européennes aurait entraîné le rendement de son fonds en euros en territoire négatif (+ 2,5% – 2,8% = – 0,3%).

  • L’effet cliquet :

Les intérêts annuels versés par les fonds en euros sont définitivement acquis à l’assuré et en cas de décès de cet assuré à ses bénéficiaires. Les gains et intérêts perçus une année donnée ne peuvent pas être remis en cause l’année suivante.

  • La disponibilité immédiate partielle et totale :

Dans un fonds en euros, l’épargne est disponible, aussi bien pour des retraits partiels que pour un rachat total et sans avoir à demander à l’assureur son accord pour retirer votre argent.

Conséquence : En raison de la forte diminution des rendements obligataires, la gestion des fonds en euros est devenue plus complexe et plus coûteuse pour l’assureur. D’autant que l’assureur ne peut pas dégager chaque année – et à coup sûr – avec les actions ou l’immobilier assez de gains financiers pour améliorer le rendement de ses obligations.

Dans un contexte de taux bas, les assureurs qui souhaitent aussi maintenir leur rentabilité, n’arrivent pas à adapter la gestion de leurs fonds en euros pour distribuer des taux de rendement satisfaisants aux assurés.

Quand les assureurs ne veulent plus prendre de risque …

Comme on le voit les assureurs sont « pieds et mains liés » avec les contraintes boursières et financières qui s’appliquent aux fonds en euros, mais s’ajoutent au moins deux autres raisons pour lesquelles les assureurs souhaitent réduire leur collecte sur les fonds en euros :

  • La première raison c’est que les fonds en euros nécessitent, au sens de la réglementation prudentielle et des règles de solvabilité, 4 fois plus de fonds propres de la part des assureurs que les supports financiers en unités de compte. « Les garanties importantes de ce fonds alourdissent le bilan des assureurs avec un besoin en capital élevé ». (Extraits de la page 11 du mémoire ENSEA présenté par Florian Piolain et Pierre Anquetil).

En effet, pour 100 € investis par un assuré dans un fonds en euros, l’assureur doit mettre en face 4 € de fonds propres, alors que pour 100 € investis dans une UC l’assureur doit seulement mettre en face 1 €.

Quand il s’agissait d’attirer de nouveaux épargnants les assureurs ne se montraient pas trop regardants sur le coût que faisaient peser sur eux les fonds en euros, d’autant qu’avant 2011 les coûts des fonds propres étaient moindres et que jusqu’en 2013/ 2014 environ les coûts pouvaient être compensés par les taux d’intérêts. Mais la crise financière mondiale de 2007/ 2009 (crise des subprimes, faillite de Lehman Brothers, arnaque de Bernard Madoff) et celle de 2011/2012 (crise de la dette de la zone Euro, crise grecque) ont augmenté fortement les coûts des fonds propres. Or si le coût des fonds propres dépasse sa rentabilité, se pose un problème pour l’assureur qui ne peut plus se rémunérer et ne peut plus rémunérer ses actionnaires.

Que se passe-t-il alors ? « Les assureurs s’efforcent de faire souscrire à leurs assurés des contrats avec une plus forte orientation vers les unités de compte, bien moins onéreuses en termes de garanties et de besoin en capital pour l’assureur », constate Arnaud Witz dans son mémoire « Soutenabilité de l’Eurocroissance en période de taux bas et mutualisation des richesses avec l’euro » présenté à Paris Dauphine en 2016. (Extraits de la page 6).

  • La seconde raison, c’est que les unités de compte ne font pas peser de risque sur l’assureur qui n’est redevable envers l’assuré que du nombre d’UC, mais pas de leur valeur. En effet ces UC transfèrent le risque sur l’assuré.

Des assureurs peu « fairplay »

Que les marchés financiers aient modifié les rendements des fonds en euros, on le comprend aisément et les assurés peuvent admettre une baisse des rendements de ces fonds, mais là où ils ne sont pas d’accord c’est :

  • Qu’on leur impose de souscrire un pourcentage élevé d’unités de compte comportant un risque en capital qui repose totalement sur l’assuré,
  • D’être prévenus du jour au lendemain. Changer les règles du jeu peut être accepté lorsque le délai de prévenance de ce changement est suffisamment long pour que l’assuré puisse trouver un placement de substitution ou au moins accepter l’idée de ce changement. Malheureusement, les assureurs multiplient arbitrairement les conditions d’accès à leurs fonds en euros sans respecter les assurés.

Quand l‘assureur change les règles du jeu

Aujourd’hui, les assureurs imposent aux assurés qui désirent placer leur argent dans des fonds en euros d’effectuer une partie de leurs versements vers des unités de compte.

« …. Dans le but de transférer une partie de l’encours présent sur les fonds euros vers les UC, des contraintes ont été inventées. Certains produits sont ainsi accessibles aux clients uniquement si une part minimum est investie dans des UC ». (Extraits de la page 91 du mémoire présenté par Charles Boddèle « Euro-croissance : Étude des chances de succès et de la gestion optimale d’un nouveau produit »).

Une transformation imposée unilatéralement

La modification des conditions d’accès aux fonds en euros peut être faite sans changement des conditions générales puisque, sauf exception pour certains contrats, ces conditions d’accès (par exemple, obligation de verser 30 % ou 50 % en UC) ne sont définies ni par les conditions générales ni par la notice d’information.

Des modifications imposées par les marchés financiers et recommandées par les institutions financières

« Le changement des conditions d’accès aux fonds en euros en tant que mesure unilatérale de la part des assureurs s’impose-t-il aux clients qui n’ont alors aucun recours ? » s’interroge un client.

Dans de très nombreux cas, les conditions d’accès aux fonds en euros ne sont pas prévues par le contrat lui-même. Il s’agit d’un ensemble de mesures de type « politique commerciale ».

Aujourd’hui, la modification de ces mesures est imposée par le faible rendement des obligations et pour certaines d’entre elles par un rendement devenu négatif qui pourrait, à terme, mettre l’équilibre en péril.

Pour éviter un déséquilibre financier et comptable, les pouvoirs publics encouragent les assureurs à modifier les conditions d’accès aux fonds en euros. Déjà en septembre 2019, Bernard Delas, vice-président de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation qui a pour rôle de surveiller l’activité des banques et des assurances en France) a suggéré aux assurés de « renoncer aux produits en euros offrant à la fois la protection du capital et une liquidité permanente ». Et il a encouragé les assureurs « à imaginer de nouvelles offres et, étape par étape, habituer leurs clients à prendre une part de risque ».

Au cas où une action en justice serait tentée par des assurés, il y a peu de chances qu’elle aboutisse, le régulateur et surveillant des assureurs appelant à limiter l’utilisation des fonds en euros.

L’avis de LINXEA

LINXEA comprend parfaitement le désarroi de ses clients et le sentiment d’injustice que ces décisions font naître. Nous proposons une gestion pilotée très accessible et qui en fonction du profil de risque devrait permettre à chacun de bénéficier des conditions les plus optimales pour son épargne selon la durée de placement souhaitée et les objectifs personnels recherchés.

Des CG et une note d’information trop imprécises

Les conditions générales (CG) définissent notamment les frais du contrat, et souvent en ce qui concerne le ou les fonds en euros l’affectation des bénéfices techniques et financiers de ce fonds ou de chacun de ces fonds.

Mais le plus fréquemment les conditions générales se limitent à rappeler que « Les sommes versées peuvent être libellées en euros et/ou en unités de compte, selon le choix du souscripteur. Pour la partie des droits exprimés en euros : le contrat comporte une garantie en capital   …/ …. Pour la partie des droits exprimés en unités de compte : les montants investis sur les supports en unités de compte ne sont pas garantis, mais sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse ».

Quant à la notice ou note d’information, l’annexe de l’article A132-4 du code des assurances indique les informations qui doivent être délivrées par l’assureur à destination du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie. Cette notice ou note d’information peut être remplacée par un encadré présent dans les conditions générales (Article L. 132-5-2 du code des assurances). Toutefois, ce modèle de notice ou d’encadré n’apporte que des informations minimalistes.

Qu’espérer à l’horizon 2026 ?

« L’assuré peut s’attendre à un rendement moyen de 0,39 % pour une projection en 2026 » pour les fonds en euros (extraits de la page 62 du mémoire présenté devant l’Université Paris Dauphine par Arnaud Witz, rédigé et soutenu en 2016).

Quelles solutions adopter ?

  • Retenir des contrats sans frais d’entrée et avec des frais de gestion peu élevés

Attention aux contrats qui prévoient pour leur fonds en euros une garantie minorée des frais de gestion annuels. Au cas où le rendement du fonds en euros deviendrait inférieur aux frais de gestion annuels, le rendement pourrait alors être négatif.

Exemple : Les taux baissent encore et le rendement 2022 d’un fonds en euros est de 0,90 % alors que les frais de gestion sont de 1 %, autrement dit, le fonds en euros servirait un rendement négatif (- 0,10%).

C’est un risque qu’énonce l’association CLCV : « Si un épargnant a investi 100 euros, après paiement des frais sur versement, il doit être assuré de récupérer 100, quoi qu’il arrive et quels que soient les autres frais » pose comme principe l’association CLCV. Dans son enquête assurance vie 2019 « Observatoire de l’assurance vie édition 2019 publiée le 10 décembre 2019 », elle constate : « Si la quasi-unanimité des contrats fermés à la souscription propose une telle garantie, près de 49 % des contrats ouverts à la souscription ne l’offrent plus. Dans ce cas, le plus souvent, l’assureur s’autorise à imputer tous les ans les frais de gestion sur le capital. Ainsi, la garantie du capital baisse avec le temps avec une garantie de l’ordre de 92 % seulement au bout de huit ans. Avec ce tour de passe-passe, les assureurs sont parvenus à transformer la garantie totale du fonds en euros en garantie partielle, mais aussi à s’assurer la perception des frais de gestion, quel que soit l’environnement économique ».

  • Faut-il mettre le cap sur les unités de compte ?

Avec les conditions restrictives que les assureurs imposent, les assurés n’ont pas d’autres choix que de diversifier leurs placements vers des UC. À eux de retenir la gestion profilée (par exemple, un profil défensif s’ils recherchent un maximum de sécurité) ou des fonds patrimoniaux qui peuvent, à défaut d’une garantie totale de leur investissement, leur apporter au moins une certaine sécurité.

En 2019, les versements sur les supports unités de compte ont représenté sur l’ensemble du marché français de l’assurance 27 % des cotisations, indique un communiqué de la Fédération Française de l’Assurance (FFA) du 24 janvier 2020, preuve que le désir des épargnants d’investir dans les fonds euros est bien réel.

Aux assureurs de tenir leurs engagements et de savoir s’adapter à un environnement économique difficile.

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