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Rature

Une mauvaise rédaction ou une imprécision de la clause bénéficiaire peut avoir des conséquences importantes

Il est important de rédiger une clause bénéficiaire claire qui permettra à l’assuré de voir ses volontés facilement et totalement appliquées. La désignation du bénéficiaire par sa seule qualité n’est pas toujours assez précise.

Le congrès annuel des notaires qui aura lieu à Marseille du 12 au 14 octobre 2022 a pour thème l’ingénierie notariale. Bien avant ce congrès, les notaires ont déjà rédigé une étude de plusieurs centaines de pages. Ce rapport consacre de nombreuses pages à l’assurance-vie. Les notaires donnent des conseils pour une bonne rédaction de la clause bénéficiaire et passent en revue les points sensibles.

Une clause à minima : la clause type ou clause standard

Le plus souvent, le souscripteur désigne un ou des bénéficiaires déterminés, en utilisant une clause type : « Bénéficiaire en cas de décès : le conjoint de l’assuré, à défaut les enfants de l’assuré par parts égales, à défaut les héritiers de l’assuré ».

« Certes dans de nombreuses situations, la clause type habituellement insérée par les compagnies d’assurance dans leur contrat peut suffire à satisfaire la volonté du souscripteur en désignant son conjoint et ses héritiers. Dans ce cas, une désignation par qualité peut être retenue.

À tout le moins, pour que la désignation du bénéficiaire soit valable, faut-il que le bénéficiaire soit déterminé ou déterminable.

Le code des assurances reconnaît expressément 3 qualités

L’article L. 132-8 du Code des assurances identifie trois qualités parmi les plus courantes (enfants de l’assuré, héritiers, conjoint).

Cet article L. 132-8 du Code des assurances précise :

«  Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis.

Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :

  • les enfants nés ou à naître du contractant, de l’assuré ou de toute autre personne désignée ;
  • les héritiers ou ayants droit de l’assuré ou d’un bénéficiaire prédécédé.
  • L’assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l’exigibilité.
  • Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l’assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession ».

Prise en compte à la date du décès de l’assuré

On détermine les bénéficiaires à l’époque de l’exigibilité des prestations, c’est-à-dire au jour du dénouement du contrat. Sont donc dans ce cas bénéficiaires les enfants vivants ou conçus à cette date. Il s’agit des enfants qui bénéficient d’un lien de filiation juridiquement établi, sauf clause contraire.

N’oubliez pas la clause de représentation

La part du capital qui aurait dû échoir à l’enfant prédécédé ne revient à ses propres descendants que si le souscripteur a pris la précaution d’insérer dans sa clause bénéficiaire une mention de représentation « Mes enfants nés ou à naître, à défaut de l’un, ses représentants ».

À défaut de cette mention, le capital est réparti entre les bénéficiaires de premier rang.

La désignation du conjoint par sa qualité

En cas de désignation du conjoint, le bénéficiaire est celui qui a cette qualité lors du dénouement du contrat. Si à son décès le souscripteur est divorcé ou veuf, le capital tombera alors, faute de bénéficiaire, dans sa succession civile et fiscale.

Sans autres précisions, cette qualité de conjoint, simple en apparence, est susceptible d’engendrer au décès de l’assuré des difficultés d’interprétation parfaitement évitables.

Prévoir que le divorce ou la demande de divorce annule la désignation

Ainsi, si la clause bénéficiaire visant le conjoint ne contient aucune précision, en cas de décès de l’assuré en cours de procédure de divorce, le capital doit être attribué au conjoint survivant alors que très vraisemblablement cette conséquence ne correspond pas à la volonté du souscripteur.

Il est alors préférable d’insérer une formule attribuant, dans cette hypothèse, le capital à une autre personne que son conjoint. La clause suivante pourrait être insérée au contrat : « Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès mon conjoint, non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps, au jour de mon décès. La présente désignation bénéficiaire sera donc caduque en cas d’instance en divorce ».

La désignation du partenaire de PACS par sa qualité

L’intérêt de désigner son partenaire bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est qu’il échappera ainsi aux règles civiles du droit des successions, puisque le capital versé ne sera, notamment, pas soumis à la réduction successorale.

Quid en cas de rupture du PACS ?

Reste en suspens la validité de la clause qui prévoit une révocation de la qualité de bénéficiaire en cas de rupture du Pacs : en effet, le Pacs pouvant être unilatéralement rompu, une telle clause pourrait être qualifiée de purement potestative.

La désignation du concubin par sa qualité

Désigner son concubin bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie a un but essentiellement fiscal et permet d’éviter la très lourde taxation entre étrangers. Cela a également pour intérêt d’éviter de voir appliquées les règles successorales de la réduction.

Prouver qu’on est bien concubin

La jurisprudence constante précise que la personne prétendant être concubin et donc bénéficiaire du capital du contrat doit prouver qu’elle remplit les conditions légales du concubinage énoncées à l’article 515-8 du Code civil (vie commune, stable et continue).

Si la rupture du concubinage est constatée avant le décès du souscripteur du contrat, la clause bénéficiaire est donc annulée.

Mieux vaut nommer le concubin que de le désigner par cette qualité

Il est d’ailleurs préférable d’éviter de désigner un concubin par cette qualité en tant que bénéficiaire du capital décès, cette référence, pouvant ne pas suffire. Ainsi la Cour de cassation (1ère chambre civile, 3 octobre 2018, pourvoi no 17-13.113), dans une affaire où une personne affirme être en couple avec l’adhérente d’un contrat d’assurance-vie dont la clause bénéficiaire désignait le concubin comme attributaire de la garantie décès, rejette la possibilité pour elle de bénéficier du capital, et ce malgré la production par le demandeur de différentes attestations telles que des factures d’électricité, la mention des deux noms sur le bail (signé treize ans avant le décès) et des avis d’échéances postérieurs. La cour retient que « la preuve de la vie commune à cette date n’est rapportée ni par les factures d’électricité ni par la mention des noms de M. X… et Mme Z… sur le bail locatif, celui-ci datant de 1996 et les avis d’échéances postérieurs ne faisant que reproduire son intitulé ». Ces attestations, en raison de leur imprécision, « ne permettent pas de déterminer si M. X… vivait avec elle au moment du sinistre ».

La désignation des héritiers et des ayants-droit

Lorsque les clauses bénéficiaires font uniquement référence « aux héritiers », les tribunaux privilégient une approche concrète. Ainsi, la Cour de cassation a pu estimer dans un arrêt du 4 avril 1978 qu’en cas d’absence d’héritiers réservataires (enfants, notamment), l’intégralité du montant du contrat d’assurance-vie revient au légataire universel en tant que seul héritier.

Le terme « ayants-droit » désigne le légataire universel

Lorsque le contrat comporte une clause mentionnant comme bénéficiaire « les héritiers ou ayants-droit de l’assuré ». Dans cette dernière hypothèse, l’adjonction du terme « ayant-droit » permet d’englober non seulement les héritiers légaux mais aussi tous les successibles donc le légataire universel.

Au prorata des droits dans la succession

En l’absence de précisions, tous les héritiers venant en rang utile seront bénéficiaires, au prorata de leurs droits dans la succession. Est-ce le souhait de l’assuré ?

Ainsi par exemple, il serait utile d’interroger l’assuré souscripteur sur ses intentions quand il est marié et a des enfants issus de son union. En effet dans cette situation, la simple référence à la qualité d’héritiers ne suffit pas à préciser la répartition du capital entre les bénéficiaires, en raison de l’option dont bénéficie le conjoint en application de l’article 757 du Code civil (choix du survivant entre l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux).

À savoir aussi

On peut renoncer à la succession et percevoir le capital de l’assurance-vie. On peut accepter la succession et renoncer au capital de l’assurance-vie.

En présence d’enfants de premier lit

De même, si le défunt a consenti une libéralité universelle à son conjoint, l’option de ce dernier concerne tant ses droits successoraux que le capital de l’assurance vie. On imagine bien que si le défunt a aussi des enfants d’une première union, de grandes difficultés peuvent naître d’une non-préparation attentive de la rédaction de la clause bénéficiaire.

Les passages ci-dessus sont extraits des pages 799 à 804 du rapport du congrès des notaires 2022.

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