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Primes manifestement exagérées : mais encore ?

S’il n’y a pas d’âge pour souscrire un contrat d’assurance vie et pour y verser son épargne, il n’en demeure pas moins que les primes manifestement exagérées font régulièrement l’objet de longs débats et sont la source de conflits entre bénéficiaires et héritiers, ou avec le fisc.

L’Article l132-13 du code des assurances pose le cadre

C’est l’article L132-13 du code des assurances qui prévoit que le versement de primes trop élevées par rapport à la situation de l’assuré peut être remis en cause : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Qui peut contester le montant des primes versées ?

Cette remise en cause est généralement faite :

  • soit par les héritiers ou les bénéficiaires désignés qui estiment ne pas avoir reçu la part à laquelle ils pensaient avoir droit
  • soit par l’administration fiscale.

Remise en cause par des héritiers ou des bénéficiaires qui s’estimeraient lésés par la désignation bénéficiaire

Lorsque seuls certains enfants ou héritiers sont bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie, il arrive parfois que les autres enfants ou héritiers qui eux ne sont pas bénéficiaires des capitaux de l’assurance-vie demandent l’annulation du contrat en soutenant que les primes versées par l’assuré étaient exagérées par rapport à sa situation. Ils demandent ainsi l’annulation du contrat afin d’annuler ces versements et de récupérer dans la succession des primes qui selon eux n’auraient pas dues être versées dans le contrat d’assurance vie.

Remise en cause par l’administration fiscale qui voudrait percevoir des droits sur les montants versés

Le fisc peut aussi remettre en cause les primes versées. En effet, l’administration fiscale ne souhaitant pas perdre des droits de succession, elle peut prétendre que les versements sur un contrat d’assurance-vie lui font perdre des droits de succession.

Le contrat d’assurance-vie peut aussi être remis en cause par l’administration fiscale via la procédure de l’abus de droit. Celle-ci peut considérer que compte tenu de l’âge du souscripteur, de son espérance de vie au jour de la souscription, le but de versements importants est uniquement d’éluder l’impôt.

Appréciation du caractère manifestement exagéré des primes en assurance vie

Les juges rappellent que le caractère manifestement exagéré des primes « s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci. »

L’ouverture d’une assurance vie par des personnes âgées n’est pas automatiquement remise en cause. Cependant, au delà d’un âge avancé (plus de 80 ans) la plupart des assureurs agissent avec discernement, notamment en faisant remplir à l’assuré un questionnaire concernant l’origine des fonds, auquel peut être joint une déclaration de bonne santé certifiée sur l’honneur par l’assuré.

Faute de certaines précautions, leurs contrats risquent d’être contestés par les héritiers ou proches… non désignés comme bénéficiaires sur ces contrats ou encore par le fisc qui espère ainsi encaisser des droits.

Assurance vie : exemples et conséquences des primes manifestement exagérées

Une attention particulière est portée aux souscripteurs âgés qui effectuent des versements importants. Ainsi ont été jugées « exagérées » les circonstances suivantes.

Ce que dit la jurisprudence sur les versements exagérés

  • A 79 ans, sur une seule année, il verse trois fois le montant de ses revenus annuels (asséchant ainsi son épargne)

Daniel Z. a versé au cours de la seule année 2001 un montant total de 158 547 euros sur les trois contrats d’assurance vie soit une moyenne mensuelle de 13 212 euros. Alors que l’avis d’imposition des revenus de 2001 de Daniel Z. montre qu’il a perçu 47 798 euros de pensions de retraite outre 6 732 euros de salaires, soit une moyenne mensuelle de 4 544 euros. Les versements sur les contrats d’assurance vie par Daniel Z. représentent donc le triple de ses revenus.

Daniel Z. ne disposait d’aucun patrimoine immobilier. En 2001, il était déjà âgé de 79 ans. Les magistrats ont décidé qu’« eu égard à son âge et à ses situations familiale et patrimoniale, les primes versées sur les contrats d’assurance-vie en 2001 sont manifestement exagérées ; qu’en conséquence, par application de l’article L.132-13 du code des assurances, la valeur de ses trois contrats d’assurance vie sera rapportée à la succession de Daniel Z pour être partagée conformément aux dispositions testamentaires. (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 30 janvier 2019, pourvoi n° 18-12045).

  • Une personne modeste dont le pronostic vital était engagé souscrit des contrats peu avant son décès

Pierre X qui vivait avec Mme Y est décédé le 17 décembre 1999 en laissant pour lui succéder ses trois enfants, Frédéric, Valérie et Élisabeth.

Ces derniers ont fait assigner Mme Y en remboursement de diverses sommes dont elle aurait bénéficié de la part de Pierre X.

Les juges de la Cour d’appel (Paris, 20 janvier 2005) ont condamné Mme Y a « rapporter » à la succession la somme litigieuse pour la part excédant la quotité disponible de la succession, soit 35 368 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

La cour d’appel a relevé, d’abord, « qu’après la conclusion des contrats d’assurance vie litigieux qui l’avaient intégralement démuni de son patrimoine mobilier et immobilier, Pierre X… dépendait, pour vivre, de ses pensions de retraite ; ensuite, que ces souscriptions ne présentaient pas d’utilité pour lui dont le pronostic vital était engagé à raison des graves et multiples pathologies dont il était affecté et n’avaient pour mobile que de faire échapper son patrimoine à sa succession au bénéfice de Mme Y… alors que d’autres placements financiers auraient présenté pour lui des perspectives identiques de revenus réguliers ».

La Cour d’appel a ainsi souverainement constaté que les primes versées étaient manifestement exagérées eu égard aux facultés de l’assuré. (Cour de Cassation, 1 ère Chambre civile, 6 février 2007 pourvoi n° 05-13803).

  • Une veuve (dont l’âge n’est pas précisé) verse en 3 fois un montant de 23 000 € sur un contrat alors que ses revenus mensuels varient entre 1 000 et 1 500 €

Les primes de 12 000 €, 4 000 € et 7 300 € versées sur le contrat d’assurance vie de sa mère n’ont pas été jugées excessives au regard des revenus mensuels de celle-ci, se situant entre 1 000 et 1 500 € par la cour d’appel. Mais la Cour de cassation a cassé la décision (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-26566). Il est probable que la cour d’appel de renvoi décidera que ces primes sont excessives.

L’avis de LINXEA

Principaux critères d’alerte pouvant présumer des primes exagérées

  • Age avancé de la personne
  • Ouverture récente d’un contrat d’assurance-vie
  • Montant conséquent versé sur une période restreinte

On ne peut pas :

  • Effectuer des versements élevés si l’on n’a pas déjà une épargne correcte et/ou un bien immobilier. Par exemple, vous ouvrez votre premier contrat d’assurance-vie à 79 ans et vous versez dessus les ¾ de vos revenus mensuels ainsi que la totalité de votre Livret A et de votre LDD.

Les « choses » à éviter

  • Pas de première ouverture d’un contrat vie à un âge très avancé
  • Pas d’arrêt des versements pendant une longue durée
  • Pas de « vidage » des comptes bancaires et autres épargnes au profit de l’assurance-vie au delà de 75 ans.

Questions / réponses

Quelle est la définition simple des primes manifestement exagérées ?

La notion de caractère manifestement exagéré des primes est une exception nécessaire au caractère hors successoral de l’assurance vie. Elle vise à éviter toute atteinte à la réserve héréditaire, c’est-à-dire la part du patrimoine qui revient obligatoirement aux héritiers réservataires du défunt (i.e. ses descendants).

Retenez que les critères d’appréciation du caractère exagéré des versements ne sont définis par aucun texte de loi et sont donc à la discrétion des juges.

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  1. Bonjour merci de me faire savoir si en mettant en viager où en vendant mon bien immobilier je peux pouvoir prendre une assurance vie pour protéger mon fils mineur de 14 ans ? et pouvoir mettre sur cette assurance une sommes en totalité suite à cette vente ?
    En sachant que j’ai plus de 80 Ans divorcé de sa maman avec des rapports peu compatibles ?
    J’ai de plus 2 enfants majeurs de deux lits différents
    Merci de votre réponse car le plus important est le plus jeune Vu mon âge

    1. Post comment

      L'équipe Linxea says:

      Bonjour,
      Vous pouvez a priori souscrire une assurance vie qui accueillera les sommes de la vente de votre bien immobilier. Étant donné que vous avez d’autres enfants, il faudra vous assurer que cette opération ne porte pas atteinte à leur réserve héréditaire.

  2. le montant de l’assurance vie représente plus de 100% de la reserve héréditaire qui elle meme fait l’objet d’un testament favorisant le meme beneficiaire de l’assurance vie et de la quotité disponible. y a t il un recours ?

    1. Post comment

      L'équipe Linxea says:

      Bonjour,
      Vous pouvez contacter nos équipes au 01 45 67 34 22.

  3. Bonjour,

    comment prouver l’existence même du contrat d’assurance vie (dissimulé) puisque les banquiers se retranchent derrière “la confidentialité” et que le “receleur” s’y refuse pretextant son inexistence ? Merci pour votre reponse. PS : est-ce qu’un chgt de beneficaire 6 mois avant le deces entre dans les critères que vous évoquez ci-dessus ? Cordialement

    1. Post comment

      L'équipe Linxea says:

      Bonjour,
      ​Sauf manifestation de la volonté expresse de l’assuré, l’assureur est tenu de dévoiler l’identité du bénéficiaire au décès de l’assuré. En l’absence de manifestation de volonté expresse du défunt pour empêcher toute divulgation, cette obligation n’est pas contestable.
      Le changement de bénéficiaire 6 mois avant le décès peut s’inscrire dans le cadre évoqué dans l’article mais dans tous les cas, une telle qualification relève de l’appréciation souveraine des juges.

  4. Bonjour…ma mère a laissé 2 assurances vie pour 149,000 euros dont je suis seul bénéficiaire , ouverture et versements datent de plus de 20 ans, ma mère était prof et vient de décéder à 86 ans, j’ai un frère avec qui je m’entend pas, ma mère m’a laissé la quotité disponible donc j’ai 2/3 de la succession et lui 1/3, ma mère nous laisse une maison de 300,000 euros aussi, dois je déclarer au notaire ces assurances vie? J’ai fait la demande seul pour toucher ces assurances vie.  Si les assurances vie sont ré intégrées dans la succession je dois donner 1/3 à mon frère? Merci

    1. Bonjour,
      Les montants transmis au bénéficiaire d’une assurance vie échappent à la succession. Mais, si le montant des primes était « manifestement exagéré » au moment de leur versement, votre frère peut contester le contrat d’assurance-vie et le réintégrer dans la succession.

  5. Bonjour,
    Ma mère est décédée en 2021 (92 ans), nous sommes 4 enfants. sa succession s’élève à 256645 € (comptes bancaire 105645 € déjà versés et 151000 € du bien immobilier bloqués chez le notaire). Depuis nous avons appris qu’il y avait des assurances vie qui correspondraient pour une suscrite en 2005 à plus de 110 000 € versés aux 3 bénéficiaires et une autre qui serait de plus de 100 000 €, on attend confirmation, souscrit en 2007. Les primes sont-elles excessives compte-tenu d’une retraite annuelle de 13711 € ? Les assurances vie pourraient-elles être réintégrer dans la succession ? Merci

    1. Bonjour,
      Aucun texte de loi ne définit la notion de primes manifestement exagérées, seuls les juges peuvent le faire en prenant en compte l’âge du titulaire, sa situation patrimoniale et familiale et l’utilité du contrat.

  6. Bonjour ,

    Au décès de mon père, ma mère( 83 ans)a reçu le capital de 90 000 de l’ assurance vie de mon père dont elle était bénéficiaire. Ce montant a été transféré sur sa propre assurance vie ( même compagnie que celle de mon père ) alors qu’elle était hospitalisée pour maladie grave et décédée quelques jours plus tard. Ma soeur est bénéficiaire de la totalité de l’assurance vie de ma mère.

    Peut on contester l’utilité de l’opération de transfert et le caractère disproportionné du versement car petite retraite, de femme au foyer, compte débiteur, créance en cours notamment frais obsèque de mon père, pas d’épargne de liquidité mais elle a un patrimoine : usufruit de la maison de mon père et patrimoine foncier propre d’environ 500 000 euros procurant revenus annuels de 7000 euros. Merci

    1. Bonjour,
      Nous vous invitons à contacter nos équipes au 01 45 67 34 22.